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J'aurais aimé être une artiste.
19 juin 2014

Nkosikelel' iAfrica ♥

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Nkosikelel' iAfrica. God bless Africa. Que Dieu bénisse l'Afrique. Quel bel hymne ! Quel merveilleux pays ! Je ne sais pas ce que je suis venue chercher en Afrique du Sud, mais je l'ai trouvé. Lorsque l'avion a quitté le sol du Cap, une larme a roulé sur ma joue ... écho à toutes celles que j'ai versées en quittant Brenda quelques heures auparavant. Même si je sais que ce n'est qu'un au revoir, quitter cette si belle terre a été un déchirement.

Pourtant, depuis que je suis rentrée, je suis plutôt sereine. Je ne sais d'ailleurs pas trop pourquoi car je viens de vivre une aventure hors du commun et j'ai l'impression d'avoir grandi, j'ai trouvé quelques réponses à des questions que je me posais toutes les nuits et je me comprends mieux moi-même. C'est étrange comme sensation car je suis toujours la même, mais j'ai un regard un peu neuf sur les choses et les personnes qui m'entourent.

South Africa never leaves one indifferent. Its history, its population, its landscapes and cultures - all speak to the visitor, to the student, to the friend of Africa. C'est exactement ça. Ce pays m'a profondément émue, voire bouleversée. Son histoire m'interpelle, j'aime d'amour ses habitants au coeur si énorme, ses paysages me coupent le souffle et sa culture est absolument fascinante. Non, je ne suis pas tombée en amour avec le Québec comme je l'aurais imaginé, je suis tombée en amour d'une Afrique multicolore et chaleureuse.

Je n'arrive pas à mettre des mots sur mon voyage. J'ai des images plein la tête et encore des étoiles dans les yeux. Je ne suis pas prête d'oublier ce que j'ai vécu là-bas. C'était intense, c'était vrai, c'était simple, c'était beau. Table Mountain qui m'a permis de relever un beau défi dont je ne me croyais pas capable. Lion's head qui aura eu raison de moi. Robben Island qui m'a laissée pensive. Le Cap de Bonne Espérance et Cape Point où j'aurais pu passer des heures et des heures. Les safaris qui m'ont permis de voir une faune intacte, sauvage et magnifque. La route 62 sur laquelle j'ai eu le bonheur de conduire. Les immenses étendues de savane mutlicolore. Les couchers de soleil qui me laissent encore rêveuse et les couleurs du ciel qui ont un goût d'infini.

Mais je crois que le plus important dans un voyage n'est pas le lieu où l'on est, mais les gens qui l'habitent. L'amour de Brenda en qui j'ai trouvé une seconde maman et qui s'est si bien occupée de moi. L'amitié de Nastasia qui était bien plus qu'une simple roommate. L'amour et la reconnaissance de Peter et Ursula qui m'ont tout donné en quelques heures et m'ont enseigné ma plus belle leçon de vie. Les baisers tendres et enflammés de Benjamin et le regard si doux qu'il portait sur moi. Les éclats de rire incessants de Claire et Constance qui illuminaient mes journées. La sincérité et la passion des Thokozani Brothers. La complicité des autres volontaires avec qui j'ai passé d'excellents moments. La gentillesse et l'ouverture d'esprit des différents Congolais que j'ai rencontrés dans le train et au coffee shop de Wynberg : André, Tsoso, l'inconnu de la troisième classe et les autres. Et tous ces sourires sincères, ces regards profonds, ces mains tendues, ces mots gentils ... Je n'oublierai jamais, oh non !

Mais comment décrire tout ça sans perdre l'essence de ces moments si précieux ? Comment parler de tous ces gens en trouvant les mots justes pour expliquer à quel point ils sont extraordinaires ? Comment se remettre d'un tel voyage ? Je n'en sais rien, j'ai encore un peu la tête dans mes nuages roses et oranges. Mais j'ai déjà eu beaucoup de chance que ces belles personnes soient entrées dans ma vie et eu l'immense privilège de vivre tous ces beaux moments, alors je me repasse en boucle le film de ces deux derniers mois en attendant patiemment mon prochain voyage.

Je crois bien que si ma tête et mon corps sont en France, mon coeur lui est resté en Afrique du Sud ... 

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9 juin 2014

Les mots ne changent pas le monde.

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Littéraire, j'ai longtemps cru que les mots avaient le pouvoir de changer le monde. J'aurais aimé être journaliste pour parcourir le monde entier et décrire la façon dont les gens vivent d'un pays à l'autre, témoigner des difficultés outre-mer et sensibiliser les gens à ce qui se passe autour d'eux. Lorsque j'ai quitté le lycée, j'avais même le sentiment qu'un journaliste pouvait montrer aux gens le monde tel qu'il devrait être et pouvait leur redonner espoir. De même, j'ai toujours cru que les écrivains avaient fait bouger les choses par le passé, comme par exemple les poètes de la Résistance. J'ai toujours été persuadée que dénoncer les choses comme le font les journalistes et les écrivains engagés avait le pouvoir de changer le monde. Mais aujourd'hui, toutes mes certitudes sont ébranlées et c'est difficile à admettre : j'aime toujours autant les mots, mais je suis de moins en moins convaincue de leur impact.

En effet, aujourd'hui je découvre une réalité un peu triste et je m'aperçois que si les mots m'aident à appréhender mon quotidien, ils ne changent pas le monde et surtout pas le regard des gens. Il y a une semaine, je suis allée prêter main forte à quelques volontaires qui travaillent dans un township de la banlieue du Cap. J'ai découvert une petite communauté joyeuse, mais qui vit dans la misère. Vendredi, j'y suis retournée pour interviewer Ursula et Peter, les deux personnes qui s'occupent de la crèche. J'ai pris une énorme claque ... Ces gens ont besoin de tellement plus qu'un simple article dans un magazine local ! Ils ont besoin de bras pour réparer l'école, d'enseignants pour apprendre aux enfants à lire, de bénévoles pour faire la cuisine, d'aide financière pour améliorer leurs conditions de vie. Je me suis sentie bien ridicule avec mon dictaphone et mes questions, ce n'est pas de ça dont ils ont besoin ... C'est de la curiosité mal placée ! D'accord, il est important de comprendre les conditions dans lesquels vivent les gens, mais je ne me sens pas capable de faire ça. Je suis une bien piètre investigatrice, j'ai horreur de mettre mon nez dans les affaires des gens et leur poser des questions. S'ils ont envie de me parler de de venir vers moi, de s'ouvrir un peu, ils le feront déjà, je déteste les y pousser. Et pourtant, c'est ça le journalisme.

La première fois que je suis allée dans cette crèche à Lavender Hill, une volontaire avait organisé un "dirty day" et avait rassemblé une dizaine d'autres volontaires pour aider à peindre les locaux. Après avoir passé vingt minutes à prendre des photos de tout le monde, j'ai posé ma caméra, retroussé mes manches et pris un pinceau. J'ai apporté une minuscule pierre à ce bel édifice humain et j'ai senti que ma place était là, qu'avec ce pinceau en main au moins, j'étais utile. Au moment de partir, Peter m'a chaleureusement remerciée et il m'a glissé « Je t'ai observée et tu peins vraiment très bien, comme une artiste ! Tu vas nous manquer. »  alors que je n'avais passé qu'une matinée avec eux. Ca m'a profondément touchée. Puis Ursula m'a prise dans ses bras et j'ai ressenti tout son amour dans son étreinte. J'avais les larmes aux yeux ... Ces gens n'ont rien, et pourtant ils donnent tout aux autres.

Lorsque je suis retournée à la crèche la fois suivante, j'ai retrouvé Ursula, Peter et Tirill. Les enfants n'étaient pas là car ils étaient à court d'électricité. Je me suis donc retrouvée seule avec eux, mon dictaphone et ma caméra, complètement désarmée. J'ai commencé à leur poser des questions sur leur quotidien, à faire mon travail de journaliste et je sentais que ce n'était pas ma place. Je n'attendais qu'une seule chose : ranger mon matériel, enlever ma veste et aider Peter à poser l'isolant pour le toit qu'ils venaient de recevoir. Mais j'ai mené mon interview malgré tout et j'ai découvert leur quotidien difficile, celui encore plus difficile des enfants qu'ils accueillent et surtout, leur belle philosophie. Ursula m'a dit une phrase que j'ai souvent entendue ici en Afrique du Sud : « It's not about us, it's about the others. I try my best, that's all I can do. » Ces gens vivent avec trois fois rien, mais pourtant ils ont à coeur d'aider les autres et le font d'une manière remarquable. Je trouve ça merveilleux et j'ai pris une grande claque. Je pense être quelqu'un d'altruiste, mais j'aimerais savoir sortir un peu plus de ma bulle et donner une aide effective aux autres. J'aime cette société qui n'est pas basée sur l'individu, cette volonté de partage et d'échange et tout cet amour pour les gens qui transpire de leur personne.

Je n'ai jamais voulu partir en voyage humanitaire parce que j'ai toujours trouvé ça un peu hypocrite. Ce n'est pas le mot exact, mais c'est un peu ça. Pour moi, l'humanitaire commence dans ta rue, aux Restos du Coeur, en t'impliquant près de chez toi. L'humanitaire, ce n'est pas voyager. Ce n'est pas aller aider des gens qu'on a colonisés deux siècles plus tôt. J'ai toujours été très gênée face à la notion d'humanitaire, même si aider les gens est quelque chose qui me plaît vraiment. Mais lorsque je suis arrivée à Lavender Hill, tous mes beaux principes ont été ébranlés. Ursula et Peter m'ont avoué que l'aide des volontaires est une véritable bénédiction et que s'ils n'étaient pas là, ils seraient bien plus dans la galère. Ils n'ont pas d'a priori sur les étrangers, les Européens qui viennent aider un peuple qu'ils ont colonisé des siècles plus tôt. Et au final, ils ont raison. Qu'est-ce que j'y peux moi, d'être née blanche ? Qu'est-ce que j'y peux si une poignée de Hollandais a débarqué au Cap au XVIIIème siècle et a bouleversé à jamais l'histoire de la terre sud africaine ? Je crois que l'aide qu'on peut apporter aux autres n'a pas à se justifier par l'histoire ou la couleur de peau, ça n'a rien à voir. Ce sont juste des humains qui aident d'autres humains, et c'est un bel échange, tout simplement.

Alors oui, je suis toujours une littéraire. Oui, j'aime toujours les mots. Oui, je crois encore qu'il faut des journalistes pour raconter au monde la façon dont les gens vivent au-delà de leurs frontières. Oui, je crois que le journalisme peut avoir un impact jusqu'à un certain point. Mais je sais que mes mots ne changeront pas le monde, surtout si les actes ne suivent pas. J'ai le sentiment que mes mains sont bien plus utiles à poser un toit ou à repeindre une école qu'à écrire des mots que les personnes qui sont en mesure de changer les choses dans une société ne liront jamais. Quel triste constat ! J'ai l'impression d'avoir vécu dans une bulle ces vingt dernières années, je n'avais pas vraiment conscience de tout ça. Pour la première fois de ma vie, j'ai vu de mes propres yeux l'impact que pouvait avoir le moindre petit service rendu, et ça me redonne confiance. A mon échelle, je peux changer les choses. Mes mots n'ont jamais rien changé, alors que mes coups de marteau, si ! Alors en attendant de pouvoir aider à plus grande échelle, je retrousse mes manches et j'aide les gens comme je le peux ... avant de revenir un jour avec une mentalité et des objectifs un peu différents.

J'aurais aimé être une artiste.
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