« On regarde au fond du puits comme on a regardé le sommet de la tour.
Le souvenir est l'espérance renversée. »

Gustave Flaubert

Dans un peu plus d'un mois, ce cliché aura un an. Fin février 2013, Maxime se cachait derrière son appareil photo, et moi derrière mes gants dans l'une des Hackesche Höfe. Bizarrement, j'aime beaucoup cette photo, elle dissimule de jolis souvenirs. Un coup de coeur, des mots, un peu de bière, des sourires et bien sûr, les rues de Berlin.

Un an plus tard, je suis de retour à Berlin, avec le même manteau, les mêmes gants et la même coupe de cheveux ou presque. Rien n'a vraiment changé et à mi-chemin de cette année de césure, j'ai l'impression de ne pas avoir évolué. J'ai vécu des tas de choses, et pourtant, j'en suis toujours au même point sur le plan personnel. Je me déçois. Je déçois ceux que j'aime. Je n'arrive pas à lâcher prise et je n'ai pas bougé d'un iota. Je ne sais plus comment avancer et la distance, si elle me permet de souffler un peu et de profiter de mes 22 ans, fait des ravages dans mon entourage et détruit mes parents. 

Cette année, j'ai pris quelques bonnes résolutions. Je n'en avais pris aucune l'année dernière, et ça ne m'a pas empêchée de vivre, de faire de belles rencontres, de commencer à me prendre en main, d'être maintes fois déçue, de pleurer, de rire, de chanter, d'aimer ... Mais un matin, seule à Berlin, j'ai eu envie de dresser une liste de choses qu'il pourrait être bon que j'améliore.

• Être plus gentille avec ma mère et être mieux présente pour ma famille
• Cesser de tout remettre à demain
• Manger mieux et perdre 20 à 30kg (haha, quelle blague !)
• Faire du sport de manière plus régulière et plus efficace que la marche à pied
• Arrêter de me dévaloriser et essayer de m'aimer un peu
• Être moins bordélique
• Être plus ponctuelle dans ma vie privée
• Apprendre à lâcher prise
• Prendre mieux soin des gens que j'aime et cesser de les décevoir

Et tout à fait égoïstement, puisque je suis un monstre qui ne pense qu'à moi, la chose que je me souhaite en 2014, c'est de trouver quelqu'un avec qui partager mes joies et mes difficultés quotidiennes, à qui je pourrais enfin donner sans avoir peur d'en faire trop. Connaître l'amour et me dire que ce n'est pas que pour les autres. Je sais que c'est un voeu pieux, mais je commence à avoir de plus en plus de mal à vivre avec moi-même et je ne vois pas très bien comment m'en sortir.

Sur ces bonnes résolutions, je te souhaite à toi ("Je dis tu à tous ceux que j'aime, même si je ne les ai vus qu'une seule fois // Je dis tu à tous ceux qui s'aiment, même si je ne les connais pas") cher inconnu, une merveilleuse année 2014 et de belles rencontres qui mettront un peu de soleil dans ton quotidien.

Cette citation magnifique sur un bout du mur à East Side Gallery. L'accordéoniste d'Eisenacher Straße. Les Hackesche Höfe. La Alexander Platz déserte les soirs de pluie. La vue sur le Schloss Charlottenburg qui se reflète dans la Spree glacée et recouverte de neige juste derrière chez moi. L'immense sous-sol de chez Dussman rempli de CDs de musique classique et le magasin de partitions dans la rue attenante. Le sapin de la Brandenburger Tor. Le décor enchanteur de la Potsdamer Platz à Noël. Les enfants qui patinent dans un parc près de Rosenthaler Platz. Le mot « Serendipity » peint sur le côté droit de l'ACUD. La Weinerei quelques maisons plus loin et ses plats végétariens à se damner. Le bus 100. Le parvis enneigé du Berliner Dom. Les mojitos à la Simon-Dach Straße. Les concerts à la Philharmonie. La Hauptbahnhof. Le U-Bahn jaune. Les matchs de basket au O2 World. Le KaDeWe illuminé le soir. Le Glühwein au Kudamm. La Siegsäule à contre-jour. Nikolaiviertel. Le Berliner Ensemble, Theater am Schiffbauerdamm de Bertolt Brecht. Les immenses campus de la Freie, la Technische et la Humboldt Universitäten. La vue sur le Kurfürstendamm depuis le quatrième étage de l'Institut Français. Le Sony Center. L'entrée de l'ambassade de France. Le Kino International, souvenir d'une bière avec Romain Duris. Les chocolats Ritter Sport à la Französische Straße. La tour Eiffel dans les Galleries Lafayette.

Berlin, ich werde dich vermissen.

Mais ce qui va surtout me manquer, c'est ... De me balader dans les rues avec Jean-Sébastien Bach. De prendre le S-Bahn tous les matins en me disant que oui, j'habite à Berlin et oui, je travaille à Berlin. D'arriver en avance le matin au bureau, profiter de cette solitude apaisante tout en préparant le café pour tout le monde. De voir le sourire radieux de Marjorie qui illumine le bureau. D'entendre les jurons de Damien. De lever les yeux au ciel en écoutant les délires de Marc aux couleurs d'accent du sud-ouest. D'écouter les très chouettes playlists de Géraldine. De préparer des pâtes avec Sabine. De sortir avec Florence. De débattre avec Florian. D'avoir des fous-rires avec Sandra. De passer de beaux lundis après-midi avec Judith et la laisser me prendre par le bras quand on va manger. De travailler de loin en loin avec Denis, Carmen, Alexandra et autres Fauves passionnés et passionnants. De créer des mots tels que „anmeldunger“ ou parler en fr-allemand. De chanter Bruel avec Marjorie, Balavoine avec Marc, Berger avec Florian, les Misérables en français et en anglais avec Géraldine. D'aller faire les courses au Rewe. D'envoyer des blagues pas drôles par courriel. De vous entendre tous dire : « Hallo ! » le matin en arrivant au bureau. Oui, sans aucun doute, ce que je vais vermissen le plus lorsque j'aurai quitté Berlin, c'est bien la Ménagerie !

Une jolie tranche de vie qui touche elle aussi à sa fin. M'y ferais-je un jour ?