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J'aurais aimé être une artiste.
18 novembre 2016

"J'ai une envie d'écrire comme t'as une envie d'cigarette ..."

ecrire

Hier, j'ai participé pour la première fois à un atelier d'écriture. Alors que je venais juste de commencer mon CDD, Sabine a envoyé un mail à tout le monde pour proposer un atelier d'écriture. Malgré mes craintes, ma curiosité m'a poussée à lui dire que j'étais très intéressée et que j'aimerais bien participer à la séance d'essai. Un mois et demi plus tard, nous y voilà ! C'était donc hier.

Dix minutes avant de descendre, je reçois un message sur le chat. Carmen, ma chef. "Eh Claire, j'ai vu que tu allais à l'atelier d'écriture ce soir ?" Je réponds très simplement "Effectivement, toi aussi ? Je ne t'ai pas vue sur la liste" Et elle "Eh oui :) C'est chouette de te savoir dans les parages !" Ca me touche et je ne sais que répondre. C'est ma chef quand même ... A 18 heures, je passe devant son bureau et d'une voix la plus naturelle possible, je lance un petit "On y va ?" Elle regarde l'heure, me sourit et prend quelques feuilles dans son imprimante. C'est parti !

Laurence, l'animatrice, se présente puis nous demande de faire un tour de table en expliquant notre rapport à l'écrit. Mon exercice préféré ... Je baffouille, je perds mes mots et ne dis pas la moitié de ce que j'aurais aimé dire pour conclure très rapidement par un "Fin bref, j'arrive mieux à m'exprimer à l'écrit qu'à l'oral" fort à propos. Décidément, parler en public n'est pas mon truc !

Premier exercice, compléter la liste de choses de Sei Shônagon. C'est facile, on n'a pas l'impression d'écrire. On donne chacun trois ou quatre choses. Certains se lancent déjà dans l'écriture et proposent des "Choses qui rendent une longue marche dans la nuit agréable". J'ai l'air bien ridicule avec mes "Choses qui font pleurer", "Choses extraordinaires" et "Choses qui bouleversent".

Deuxième exercice, choisir trois ou quatre catégories et faire la liste. Bizarrement je ne suis pas plus à l'aise, moi qui adore les listes ! C'est bête, je le fais tout le temps. Mais là, rien ne me vient. Je pense à Pauline à qui j'écris souvent des listes, mais je me sens gauche. J'écris deux mots, je les barre, je réécris, je réefface ... Je finis par garder quelques propositions que je hiérarchise rapidement et lorsque Laurence nous annonce que les dix minutes sont terminées, je ne suis parvenue qu'à remplir deux catégories, et encore, péniblement. Puis vient le moment de la lecture à voix haute. Le tour de table avance, et au fur et à mesure que mon tour s'approche, je sens mon coeur battre plus vite, mes joues devenir rouges. J'écoute les textes des uns et des autres et les commentaires de Laurence en essayant de ne pas penser qu'après, ça sera mon tour. Et puis bien trop vite, c'est à moi. Je mets plusieurs longues secondes avant de me lancer, puis j'y vais. Je ne suis pas fière de ce que j'ai écrit, mais il est trop tard. Et contre toute attente, les retours sont positifs : "C'est beau, c'est doux. On se sent enveloppés !" Je suis touchée. Et puis on passe aux autres. Ouf, c'est fait.

Il ne reste plus que vingt minutes, je me dis qu'on n'aura pas le temps pour un troisième exercice et le plus dur est derrière moi. J'ai déjà assez pris sur moi pour aujourd'hui ! Mais non, Laurence propose un dernier exercice avant de nous quitter. La pression remonte.

Troisième exercice, choisir une phrase qu'on a écrite dans l'une des catégories de choses et terminer le texte avec la chute "Il y a des choses qui ..." correspondant à la rubrique qu'on a choisie. Quelques idées me viennent et rapidement, je me lance dans l'écriture. J'ai choisi la pluie qui cogne sur un carreau. Je pense à Thomas lorsque j'écris et je ne peux m'empêcher de parler de lui, mon inconnu du bout du monde. Lorsque Laurence nous demande de lever le stylo, j'ai juste le temps de mettre le point final à mon texte. Tour de table, il y a de chouettes propositions. On part à la mer avec Sophie, sur les toits de Paris avec Ever, dans le métro avec Nicole et Sabine, au théâtre avec Carmen, dans une salle de classe avec Emmanuel et dans les rues de Paris la nuit avec Céline. Je passe en dernière. Je mets à nouveau plusieurs longues secondes avant de me jeter à l'eau. J'ai mal à la gorge, je commence à manquer d'air, mais je commence d'une voix blanche :

"Assise au volant de ma voiture, je viens d'arriver devant chez moi. Il pleut. Je coupe le moteur, j'attrappe mon sac à main, mais je n'ai pas le courage de sortir de la voiture. Je reste là un long moment à écouter la pluie sur les carreaux. Je songe alors que quelqu'un à l'autre bout du monde est peut-être dans la même position que moi, à écouter la pluie cogner sur une vitre, bien au chaud. L'idée me fait sourire et j'imagine cet inconnu me sourire en retour.

Au bout d'un moment, la pluie finit par cesser. J'aurais aimé prolonger cet instant hors du temps avec mon inconnu du bout du monde, mais il est tard. Alors à regret, je sors de la voiture et me dirige vers la maison. Il y a des choses qui ne font que passer et semblent éveiller la mélancolie."

J'ai peur des réactions, mon texte ne ressemble pas à ce que j'avais imaginé et j'ai un peu honte de clôturer le tour de table avec ma proposition. Mais au bout d'un court silence, qui ressemble à ce moment de grâce après des chansons qui bouleversent avant que le public n'applaudisse, les quelques mots de Laurence résonnent dans la salle, tels des applaudissements : "Wahou, merci pour ce moment." Silence. Je n'ose pas relever les yeux. Je fixe ma feuille et je rougis. Je souris un peu, je ne sais pas comment accepter le compliment. Elle n'a rien dit de tel aux autres, elle avait toujours des points d'amélioration. Après un court moment où personne ne dit rien, elle ajoute "C'était très beau, tu nous as embarqués. On voyait presque le reflet de l'inconnu dans la vitre de la voiture et qui sourit. Vraiment, merci, c'est un très beau texte !" Je suis encore plus gênée. Elle ne formule aucune critique, aucun conseil, c'était juste ça. Je relève la tête et je vois les sourires et l'émotion presque palpable sur le visage des autres. Je suis touchée, tellement touchée. Pourtant, ce n'est pas le texte dont je suis le plus fière !

Puis l'atelier se termine avec quelques minutes de retard. On envisage quelque chose sur la durée, payant, mais Sabine reviendra vers nous pour préciser tout ça. Ce matin, j'ai eu le mail de Sabine, mais je suis en CDD jusqu'à fin janvier et au-delà, je ne suis pas certaine d'être à Paris. Je l'écris à Sabine à qui j'en avais déjà touché un mot, précisant que ça m'étonnerait que mon CDD soit renouvelé car il porte sur des missions précises. Sa réponse me touche peut-être plus que de raison : "Oui, tu m'avais bien prévenue. Et c'est une vraie tristesse de se dire que tu ne resteras pas parmi nous après janvier ! Tu es une perle !" De lire ces deux premières lignes, j'ai les larmes aux yeux.

Moi qui hésitais à rester, je crois que j'aimerais beaucoup ce CDI. Vraiment beaucoup. Je ne sais pas comment dealer avec Léa, ni avec le fait de me poser quelque part maintenant, mais je crois que j'ai envie de tenter. Après, rien ne dit que le poste s'ouvrira, rien ne dit que je serai prise. Mais il y a tellement de petites choses qui font que j'aimerais rester. Mais surtout une : l'envie d'avoir un impact. A mon échelle, faire ma part du colibri. On y revient toujours.

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